Quelle place pour les langues régionales ?

Quelle place pour les langues régionales ?

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La langue de la République est le français. 

C’est ce que nous dit l’article 2 de la Constitution. Et l’article 1er de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française la présente comme « un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France », et celle « de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics ».

A ce titre, le Conseil Constitutionnel a pu affirmer que « les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leur relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraint à un tel usage » (décision n° 99-412 du 15 juin 1999). 

✗ Le français, seule langue officielle 

Partant, sont systématiquement suspendues par le juge des référés des délibérations municipales ayant pour effet de reconnaître comme langue officielle une autre langue que le français (v. TA Pau, 6 août 2014, n° 1401477 ; CAA Bordeaux, 21 novembre 2023, n° 23BX02571).

Est également annulée la délibération municipale conférant à la langue créole le statut de « langue officielle » de la Martinique, « sans que cela remette en cause ni le droit pour chaque individu de faire usage de la langue créole dans les rapports entre personnes privées, ni la possibilité pour la collectivité territoriale de Martinique, dans l’exercice de ses compétences, de promouvoir l’apprentissage et la pratique de la langue créole, composante essentielle du patrimoine culturel de la Martinique » (TA Martinique, 3 octobre 2024, n° 230051).

Doit aussi être annulé le règlement intérieur de l’assemblée de la Polynésie permettant à tout orateur d’intervenir « en langue française ou en langue tahitienne ou dans l’une des langues Polynésiennes » (CE, 29 mars 2006, n° 282335). 

✗ La traduction du français vers la langue régionale 

En outre, le règlement intérieur d’un conseil municipal ne peut pas prévoir que les interventions des conseillers municipaux pourront se faire en langue régionale, à condition d’être accompagnées de la traduction en français. En effet, le juge administratif considère qu’en « permettant aux conseillers municipaux de s’exprimer directement au cours des séances du conseil municipal dans une langue autre que le français, la délibération attaquée méconnaît l’article 2 de la Constitution, alors même qu’elle prévoit, au demeurant selon des modalités très imprécises, l’obligation d’accompagner cette expression d’une traduction en langue française ».

En revanche, le juge souligne dans la même affaire la possibilité que « la présentation des délibérations et les interventions des conseillers municipaux, une fois exprimées en français, puissent faire l’objet d’une traduction en langue catalane » (CAA Toulouse, 12 décembre 2024, n° 23TL01635, n° 23TL01383). 

De la même façon, la délibération municipale ayant « pour objet et pour effet de contraindre les membres de cette assemblée à s’exprimer exclusivement, une séance sur deux, dans une langue autre que la langue française » est illégale, qu’importe « la circonstance que la délibération prévoit que les comptes rendus des séances seront bilingues et que la sous-préfecture recevra la traduction en français » (CAA Marseille, 13 octobre 2011, n° 10MA02330). 

Une question de patrimoine. 

En parallèle, l’article 75-1 de la Constitution reconnait aussi que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». 

Toutefois, le Conseil Constitutionnel précise que cet article n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit (décision n° 2011-130 QPC du 20 mai 2011).  

Et l’article L. 1 du code du patrimoine intègre dans la notion de patrimoine culturel immatériel les langues régionales. L’article 21 de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française précise encore que ses dispositions « ne font pas obstacle à l’usage des langues régionales et aux actions publiques et privées menées en leur faveur ».

✗ Traductions autorisées en langues régionales 

La loi n° 2021-641 du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion permet, en son article 8, aux services publics d’assurer « l’affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales en usage » sur différents supports, dont les bâtiments publics et les voies publiques de circulation. 

Ces dispositions n’entrent pas en contradiction avec la loi du 4 août 1994, admettant à l’article 4 que les inscriptions ou annonces apposées sur la voie publique peuvent être complétées d’une traduction, dès lors que la présentation en français est « aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langues étrangères ». 

Le Conseil constitutionnel confirme qu’aucune disposition législative n’a « pour objet de prohiber l’usage de traductions lorsque l’utilisation de la langue française est assurée » (décision n° 94-345 du 29 juillet 1994). 

De cette façon, n’est entachée d’aucune illégalité la décision municipale d’apposer « des panneaux portant la traduction en langue occitane du nom français de la commune sous les panneaux d’entrée d’agglomération indiquant celui-ci en français » (CAA Marseille, 28 juin 2012, n° 10MA04419). 

✗ Pas de signes diacritiques dans les actes de l’état civil 

La loi du 21 mai 2021 autorisait initialement l’usage de signes diacritiques des langues régionales, autres que ceux employés pour l’écriture de la langue française, dans les actes de l’état civil. 

Le Conseil constitutionnel a censuré de telles dispositions, considérant qu’elles avaient pour effet de reconnaître « aux particuliers un droit à l’usage d’une langue autre que le français dans leurs relations avec les administrations et les services publics » et, parant, méconnaissaient les exigences de l’article 2 de la Constitution (décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021). 

La circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil continue quant à elle de restreindre l’usage des signes diacritiques dans les actes de l’état civil, n’admettant que les les points, tréma, accents et cédilles tels qu’ils sont souscrits ou suscrits aux voyelles et consonnes autorisées par la langue française. 

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