Peut-on tout permettre au nom de la tradition ?

Peut-on tout permettre au nom de la tradition ?

En matière de spectacles impliquant des mauvais traitements sur les animaux, la « tradition locale ininterrompue » fait loi. 

En effet, l’article 521-1 du code pénal, tout en condamnant les sévices graves et les actes de cruauté sur les animaux, introduit une exception notable pour les « courses de taureaux » et les « combats de coqs ».

De même, ne leur sont pas opposables les dispositions de l’article R. 214-85 du code rural et de la pêche maritime interdisant la « participation d’animaux à des jeux et attractions pouvant donner lieu à mauvais traitements, dans les foires, fêtes foraines et autres lieux ouverts au public ». 

Des courses de taureaux sous surveillance

Le Maire est tenu, au titre de ses compétences de police administrative, d’interdire l’organisation de tout type de manifestations taurines qui ne répondrait à aucune tradition locale ininterrompue, afin de faire cesser le trouble à l’ordre public en résultant. 

Le Juge administratif considère que l’existence d’une telle tradition s’apprécie dans le contexte d’un ensemble démographique qui, s’il ne se limite pas aux limites de la commune concernée, garde une dimension locale.

De cette façon, les novilladas n’ont pas à être interdites à Tarascon, faisant « partie du pays d’Arles » où il existe « une tradition locale ininterrompue de manifestations taurines et dont l’influence culturelle transcende évidemment les limites administratives du territoire de la commune » (TA Marseille, 10 avril 2024, n° 2106130). 

De même, une novillada sans chevaux peut être organisée à Bouillargues, dès lors que la commune « justifie de la tenue récente sur son territoire de plusieurs courses de taureaux » et qu’elle se situe à proximité de plusieurs communes « dont il n’est pas contesté qu’elles entretiennent toutes une tradition de courses taurines » (TA Nîmes, 10 janvier 2024, n° 2102872).

Dès qu’une longue période d’interruption est constatée, aucune tradition locale ne peut être invoquée pour justifier la tenue de ces manifestations.

A Marseille, relevant que la tradition taurine « est interrompue depuis 1962, date de la dernière corrida organisée sur son territoire » et que la commune « ne peut en outre être regardée comme faisant partie de l’ensemble démographique constitué par la Camargue et le pays d’Arles, où il est constant que la tradition des courses de taureaux est restée vivante », le Juge administratif valide l’interdiction municipale de course camarguaise (CAA Marseille, 4 octobre 2013, n° 11MA04617).

Ne peut pas davantage être considérée comme ininterrompue une pratique épisodique. Par exemple, dès lors « qu’aucune course de taureaux, avec mise à mort, n’a été organisée à Canet-plage avant 1951 et que, depuis cette date, il n’a été donné de spectacles de cette nature qu’en 1952 et en 1959 » et qu’il « est établi qu’à la date de la décision attaquée du préfet des Pyrénées-Orientales et depuis 1953, des courses de taureaux n’avaient eu lieu à Perpignan qu’en une seule occasion », l’organisation de ces spectacles peut légalement être refusée (CE, 10 février 1967, n° 68450).

Corrida et patrimoine culturel immatériel 

En 2011, le Ministre de la Culture avait procédé à l’inscription de la corrida à l’inventaire du patrimoine immatériel de la France, en application de la convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du PCI, signée le 17 octobre 2003.

Le juge parisien s’est prononcé en faveur de « l’inclusion de la corrida dans le patrimoine culturel immatériel français », relevant que cette pratique « procure à certains groupes, communautés et individus un sentiment d’identité et de continuité » et qu’il « ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle porterait atteinte à l’exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus » ( voir TA Paris, 3 avril 2013, n° 1115219).

Suite à l’appel formé contre cette décision, il a pu être constaté par le juge d’appel, puis le juge de cassation, que « la corrida ne figure plus dans la liste des pratiques sportives » inventoriées au titre du patrimoine culturel immatériel et, par conséquent, que «  la décision d’inscription de la corrida à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France doit être regardée comme ayant été abrogée » (CAA Paris, 1er juin 2015, 13PA02011 ; CE, 27 juillet 2016, n° 392277). 

Favoriser l’extinction de la pratique des combats de coqs

Le législateur ne réserve pas le même sort aux courses de taureaux qu’aux combats de coqs. En est pour symbole l’article 521-1 du code pénal, interdisant la création de tout nouveau gallodrome (bâtiment dans lequel sont organisés des combats de coqs). 

Cette dernière disposition n’a pas été déclarée constitutionnelle, le législateur ayant « entendu encadrer plus strictement l’exclusion de responsabilité pénale pour les combats de coqs afin d’accompagner et de favoriser l’extinction de ces pratiques » (décision n° 2015-477-QPC du 31 juillet 2015).

Quant à l’existence où non d’une tradition ininterrompue de combats de coqs, elle doit s’apprécier, selon le Juge administratif, « de manière stricte dans la perspective d’une extinction de cette pratique » et « sur le territoire de la seule commune d’implantation » (TA Lille, 26 décembre 2024, n° 2202832). 

Partant, la circonstance que des combats de coqs aient été organisés dans les communes voisines n’est pas de nature à établir l’existence d’une tradition ininterrompue à Norrent-Fontes, « quand bien même ne seraient-elles situées qu’à moins de quinze kilomètres » (même décision). 

Le caractère continu de la pratique s’apprécie en revanche de la même façon que pour les courses de taureaux. 

Ainsi, à défaut de justifier de l’organisation de combats de coqs entre 1991 et novembre 2021, la tenue de tels événements peut légalement être interdite par l’autorité administrative compétente (TA Lille, 26 décembre 2024, n° 2202832). 

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